jeudi 27 avril 2017

VENEZUELA

ÉGLISE ET WASHINGTON : UN MÊME COMBAT



La présente situation que vit certains pays de l’Amérique latine n’est pas sans nous rappeler cette période de la fin du XXe siècle où l’Église et Washington ont uni leurs forces respectives pour contrer tout mouvement révolutionnaire et toutes réformes sociales et politiques visant à redonner vigueur aux droits des peuples à vivre dans la dignité et aux États à être maîtres de leurs richesses et de leurs régimes politiques. L’Église, celle qui s’identifie aux hiérarchies ecclésiales, n’a rien négligé pour contrer ces mouvements qu’elle qualifiait, avec son partenaire étasunien,  de « communistes ».  Rien ne pouvait mieux servir les intérêts de Washington et faire en sorte que l’Amérique latine demeure, comme prévu dans la doctrine Monroe,  sa cour arrière. Cette prétention de domination sur le continent latino-américain est à l’origine de plus de cent coups d’état militaire .

L’alliance de l’Église institutionnelle avec les prétentions de Washington s’est maintenue tout au long de ces décennies. Les dictateurs reconnus par Washington étaient respectés par les hiérarchies catholiques. Que ce soit Stroessner au Paraguay, Pinochet au Chili, Videla en Argentine, Somoza au Nicaragua, Papa doc Duvalier en Haïti, et les autres.  Ils étaient tous de bons chrétiens, appréciés par les autorités cléricales. Des centaines de milliers de personnes sont mortes, des centaines d’autres ont été torturées et emprisonnées sous ces régimes qui régnaient en maître sur leur peuple.  Pour en savoir un peu plus, je vous réfère à cet article et à cet autre.  Plus que tout, je vous réfère à l’opération Condor qui nous révèle l’atrocité et l’inhumanité dont sont capables ces gens.

Avec l’émergence de nouvelles démocraties en Amérique latine (Nicaragua, Venezuela, Équateur, Bolivie), la configuration du climat politique entre ces démocraties et Washington apporte des éléments nouveaux qui échappent au contrôle de Washington. Ces nouvelles démocraties sont portées par des élus qui se donnent comme priorité de répondre avant tout aux intérêts et attentes de leur peuple. Leur allégeance aux intérêts de Washington passe au deuxième ou au troisième plan. Elles accordent une grande importance à leurs souveraineté et indépendance, ce qui n’est pas sans indisposer Washington, habitué qu’il est d’avoir main mise sur les dirigeants et plein contrôle sur leurs politiques et richesses naturelles.    C’est précisément le cas du Venezuela, de la Bolivie, de l’Équateur, du Nicaragua et, d’une certaine manière, de Cuba. C’était, il n’y a pas si longtemps encore, le cas du Brésil, victime d’un coup d’État institutionnel et de l’Argentine, dont l’élu à la présidence en a changé la direction. Par contre, l’Équateur a résisté et s’est maintenu avec le vent révolutionnaire dans les voiles.

Ce qui se passe présentement au Venezuela doit se comprendre dans ce contexte où Washington ne saurait tolérer qu’un pays de l’Amérique latine se détache de la doctrine Monroe et décide de son propre régime politique et de son pouvoir souverain à disposer de ses richesses. Le régime politique que le peuple vénézuélien s’est donné en votant sa constitution, est le socialisme chaviste (pour Chavez), également appelé, Socialisme du XXIe siècle . Tout y est pour que Washington, les oligarchies locales et la hiérarchie de l’Église catholique s’unissent pour combattre ce socialisme qui résonne à leurs oreilles comme le communisme du siècle dernier.  Pendant que Washington et les oligarchies locales alimentent par leurs  guerres économiques le mécontentement de la population, l’épiscopat vénézuélien et tous ses alliés institutionnels en attribuent la responsabilité à un gouvernement incompétent, dictatorial, corrompu qui a failli à sa mission.  Elle ne fera jamais référence aux acquis dans les secteurs de la santé, de l’éducation, du logement, de la culture.  Ce serait trop risqué.

Ces derniers jours, tout a été mis en œuvre pour mobiliser l’opinion publique internationale de manière à justifier une intervention militaire de Washington au Venezuela. L’OEA, passant outre à toutes les règles fondamentales de démocratie au sein de son organisation, a mené une campagne dénigrante contre le gouvernement du Venezuela et a servi à mobiliser les pays toujours sous tutelles des États-Unis, comme c’est le cas du Mexique, de la Colombie, du Brésil de Temer, de  l’Argentine de Macri, du Canada et de certains autres, mais pas suffisamment pour obtenir le vote nécessaire à l’application de la carte démocratique, laquelle eut pu ouvrir la porte à une intervention étrangère sous le couvert de la légalité.  Son action s’intensifie toujours plus, en ne respectant toutefois pas les droits de la souveraineté du Venezuela, exigeant son accord, pour débattre de sa situation. Aujourd’hui, le gouvernement du Venezuela a pris l’initiative de se retirer de cette organisation, véritable ministère de Washington pour diriger l’ensemble des pays de l’Amérique latine.

L’épiscopat vénézuélien  n’est pas resté en retrait de cette offensive de discréditation du gouvernement  dans le cadre d’une opposition qui est passée à des manifestations violentes en payant des mercenaires pour semer le désordre et faire des morts. L’objectif est d’en reporter toute la responsabilité sur ce gouvernement de qui on dira qu’il réprime, qu’il ne respecte pas le droit des personnes, qui n’est plus en mesure de gouverner. Cet épiscopat ne parlera pas de la violence de l’opposition et des morts qui en résultent.  Elle se fait complice à cent pour cent de l’opposition qui répond aux ordres de Washington. Elle s’est même prononcée en faveur de  la désobéissance civile au moment même où l’offensive de l’opposition  se mettait en marche pour un nouveau coup d’État militaire.

 Que va-t-il se passer dans les jours et les semaines qui viennent?

Contrairement à ce que dit la presse internationale qui reprend le discours de l’opposition, Maduro n’est pas isolé ni de son peuple ni de la communauté internationale.  Plus de 3 millions de personnes sont venus se solidariser avec lui, le 13 avril, jour que l’opposition avait fixé pour réaliser le coup d’État. À l’international, le Venezuela a de bonnes relations avec une majorité des pays de l’Amérique latine et des Antilles. Il est toujours actif au sein de l’organisation des pays non alignés. Au sein des pays producteurs de pétrole, il joue un rôle très respecté et apprécié de la part des membres et des non-membres de l’OPEP.. Aux Nations Unies, il participe à de nombreux comités et est reconnu pour répondre aux normes et attentes, entre autres, du respect des droits de la personne. 

Ce que je comprends, c’est que le peuple vénézuélien a atteint un niveau de conscience qui va bien au-delà du populisme. C’est un peuple instruit, qui n’en est pas à ses premiers affrontements avec une opposition qui n’a jamais accepté la constitution de 1999. 

N’en demeure pas moins que la quatrième flotte étasunienne est toujours dans les eaux-sud du Pacifique, prête à intervenir en tout temps.

Le pape François, en dépit de toutes les tourmentes qui l’entourent, fait toujours appel à la solution politique des problèmes. Le Venezuela a une Constitution à laquelle tous doivent respecter. La grande majorité des pays du Continent et d’ailleurs fait appel à ce retour à la table de négociation. Le président se dit prêt en tout temps à reprendre cette négociation.  Pour l’instant, l’opposition attend l’avis de Washington qui y est peu enclin. Pour Washington et l’opposition, une intervention militaire serait plus rassurante pour leurs intérêts.

Personnellement, je mise sur une victoire du gros bon sens et sur le droit du peuple vénézuélien à disposer de son destin. Selon la constitution, les élections pour les gouverneurs et les maires sont prévues pour cette année. Celle pour la présidence est prévue pour 2008. Que la démocratie ait le dernier mot.



Oscar Fortin
Le 27 avril, 2017
http://humanisme.blogspot.com








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